Réalisé entre 1930 et 1932 par Berthold Bartosch , le film d’animation L’Idée ne se laisse pas facilement résumer. Les premiers plans installent, à travers leurs images contrastées d’un noir et blanc granuleux et épais, un climat ténébreux. Le profil pensif d’un homme se détache des croisillons d’une fenêtre ouvrant sur un ciel nocturne et incroyablement étoilé. Ce n’est rien de moins que le cosmos qui semble défiler en arrière-plan. Bientôt, à partir d’un effet de transparence, une lueur douce, mais éclatante, tournant sur elle-même tout en se dilatant, envahit tout l’écran. De ce vortex lumineux naît une silhouette fragile et féminine, qui se devine difficilement avant de se révéler pleinement à l’homme rêveur qui saisit cette figurine, maintenant tracée à gros traits, entre ses mains. Cette jeune femme nue, dont la taille et l’apparence varieront énormément tout au long des 30 minutes du film, est bien entendu l’incarnation de l’Idée.
Souvent cité comme le premier film sociopolitique de l’histoire du cinéma d’animation, L’Idée de Bartosch n’a connu que peu d’études analytiques. Cet article se donne pour enjeu de détailler le texte et l’intertexte qui fondent le régime visuel largement expérimental du film et questionnent intrinsèquement la représentation de la dystopie. Non sans réflexivité sur sa pratique composite, Bartosch semble en effet, dans ce film, instaurer un monde à ce point négatif qu’il ne peut être donné à voir selon les modes de représentation traditionnels.
"Dissensions de l'image animée. L'Idée de Bethold Bartosh ou le trauma comme mode de représentation dystopique" in Clément Dessy & Valérie Stiénon (sous la dir.), (Bé)vues du futur. les imaginaires visuels de la dystopie (1840-1940), Villeneuve d'Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2015,p. 199-210.